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La protection du logement du conjoint survivant Lien permanent vers ce document

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Dans le but de finaliser mon master en Droit Privé et Droit Européen des Droits de l’Homme à l’Université de Limoges, j’ai pu effectuer un stage de quatre semaines au sein de la société civile professionnelle Debrosse et Rodier située à Boisseuil. Cette expérience m’a permis de découvrir concrètement le fonctionnement d’un office notarial et de m’y intégrer pleinement. J’ai eu l’opportunité d’être directement impliquée dans diverses tâches, tout en observant le travail des associés et de leurs collaborateurs. J’ai choisi d’effectuer ce stage en notariat, domaine dans lequel je souhaite poursuivre mes études en intégrant l’Institut National des Formations Notariales afin de préparer le Diplôme d’études supérieures de notariat. L’étude est composée de deux notaires associés, accompagnés de collaborateurs, assistants, et stagiaires. L’organisation interne de l’étude repose sur la répartition des dossiers entre les différents intervenants. Les domaines d’intervention sont variés : droit immobilier, droit des successions, régimes matrimoniaux entre autres. Durant mon stage, j’ai pu constater le rôle fondamental du notaire dans la sécurisation des actes juridiques. Au cours des quatre semaines que j’ai passées au sein de l’étude, j’ai eu l’opportunité de participer à différentes missions ce qui m’a permis de mieux comprendre le quotidien d’un office notarial. J’ai pu effectuer de nombreuses formalités visant à obtenir les documents nécessaires à la rédaction des actes. J’ai également été amenée à rédiger différents types d’actes, tels que des actes de donation ou encore de notoriété. Enfin, j’ai pu être présente lors de plusieurs rendez-vous avec des clients, notamment dans le cadre de ventes immobilières. Cette immersion m’a permis de voir que le métier correspondait parfaitement à mes compétences personnelles, telles que la rigueur ou encore l’organisation. Durant mon stage, j’ai été confrontée à plusieurs dossiers de successions qui m’ont particulièrement marquée par les enjeux humains et patrimoniaux qu’ils soulèvent. Parmi les questions traitées ressort celle du sort du logement du conjoint survivant. En effet, le conjoint survivant, après le décès de son époux, craint parfois de devoir quitter le domicile commun. Cette réalité m’a amenée à m’interroger sur les mécanismes juridiques permettant d’assurer la stabilité et la protection du logement du conjoint survivant. J’ai pu enrichir mes travaux d’exemples pratiques ou encore d’anecdotes partagées par les professionnels de l’étude. Aujourd’hui, l’article 732 du Code civil définit le conjoint survivant comme le conjoint non divorcé, et contre lequel il n’existe aucun jugement de séparation de corps ayant force de chose jugée. Ce conjoint, à la mort de son époux, se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière. Il a alors besoin d’une protection accrue, notamment en ce qui concerne son logement. Cette notion est définie par le Trésor de la Langue Française comme « tout local à usage d’habitation ». La question de la protection du conjoint survivant et de son logement est relativement ancienne. À Rome, les époux ne sont pas héritiers l’un de l’autre. Le conjoint survivant occupe une place résiduelle puisqu’il n’est appelé qu’à défaut d’héritiers jusqu’au septième degré. Concernant les libéralités, le droit romain réprouve les donations entre époux et la liberté de tester est presque totale1. Pendant le Bas-Empire, les donations ante nuptias se développent. L’empereur Justinien met également en place la donation propter nuptias qui permet de doubler la dot que la veuve récupère à la dissolution du mariage. À cela s’ajoutent les testaments qui sont autorisés. Dans l’Ancien Droit, on retrouve une France scindée en deux. Dans les pays de coutumes est favorisé le régime matrimonial de communauté de meubles et acquêts proche de celui qu’on connait aujourd’hui. La gestion de la communauté était dévolue au mari2. Le conjoint survivant n’hérite toujours qu’en l’absence d’héritiers. S’agissant des libéralités, les testaments et donations entre époux sont prohibés. La veuve peut bénéficier d’un douaire en usufruit3 qui lui permet de conserver son train de vie, mais à sa mort les biens retournent dans la lignée du mari. Dans les pays de droit écrit, le mariage est fondé sur un régime dotal. La femme n’était propriétaire que des biens dotaux4 et des biens paraphernaux5. L’affrèrement permet aux époux de fusionner leurs patrimoines, et à défaut d’enfants, le conjoint survivant récupère la totalité du patrimoine6. Apparaissent également des communautés universelles que le conjoint survivant récupère à hauteur de la moitié au jour de la dissolution du mariage. Le conjoint survivant a également une vocation ab intestat résiduelle. La liberté testamentaire est presque totale, et la donation est très peu utilisée. À partir du XIIe siècle, la pratique romaine est rétablie et la situation du conjoint survivant régresse. Sa protection repose essentiellement sur les donations et les testaments. Sa vocation successorale reste résiduelle car il est considéré, dans une certaine mesure, comme étranger à la famille qui est envisagée sous l’angle du lignage7. Lors de la Révolution française, le conjoint survivant est privé de ses avantages. Il ne reste pour le protéger que les donations et testaments. Cette situation perdure dans le Code napoléonien et le conjoint survivant n’a qu’une vocation ab intestat en l’absence d’héritiers jusqu’au douzième degré. Le conjoint survivant gagne en 1891 un droit en usufruit qui ne cesse de devenir plus protecteur au fil des années8. Il obtient également une créance alimentaire contre la succession s’il se trouve dans le besoin9. En 1917, le conjoint survivant devient héritier en pleine propriété, en l’absence d’héritiers jusqu’au sixième degré10. À partir de 1957, le conjoint survivant prime sur les collatéraux ordinaires lorsqu’il est en concours avec eux. D’autres droits lui sont reconnus notamment la saisine successorale11 ou encore la viduité12. Mais les travaux parlementaires de la loi de 200113 mettent en avant la place réduite du conjoint survivant et peu adaptée aux évolutions de la société14. C’est pour cela que cette loi consacre un profond bouleversement, le conjoint survivant devient héritier réservataire de troisième rang, en l’absence de descendants et d’ascendants. Avec la loi de 200615, il devient héritier réservataire de second rang en raison de la suppression de la réserve des ascendants. Aujourd’hui, sa vocation ab intestat est particulièrement protectrice. Dans le cas où il est en concours avec des descendants uniquement communs, la loi lui accorde une option entre le quart de la succession en pleine propriété, et la totalité en usufruit16. Si le conjoint survivant opte pour l’usufruit, sa protection résidentielle est assurée puisque l’usufruit porte sur la totalité des biens existant, y compris sur le logement. Cependant, lorsque le conjoint choisit le quart en pleine propriété, il est possible que la valeur du logement soit supérieure à la valeur de ce quart. Cette situation peut également se présenter lorsqu’il existe des enfants non communs puisque le conjoint survivant n’a pas le choix et a droit uniquement au quart en pleine propriété17. Dans ce cas, certains mécanismes peuvent intervenir pour que le conjoint survivant puisse être maintenu dans son logement. Dans l’hypothèse où le conjoint survivant est en concours avec un ascendant privilégié unique, il a droit aux trois quarts de la succession et l’ascendant privilégié aura droit au quart restant. Lorsqu’il est en concours à la fois avec le père et la mère du défunt, ils ont chacun une vocation d’un quart de la succession et le conjoint survivant aura la moitié restante18. Enfin, dans les autres cas, c’est-à-dire quand le conjoint survivant est en concours avec des ascendants ordinaires ou des collatéraux, ordinaires ou privilégiés, il recueille l’intégralité de la succession, évinçant ainsi les autres membres de la famille19. L’article 753 du Code civil dispose en outre que lorsque des biens ont été reçus par le défunt de ses ascendants et que les pères et mères prédécèdent, ces biens sont dévolus pour moitié aux frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants. L’autre moitié revient alors au conjoint survivant. Ainsi, à travers l’évolution historique du statut du conjoint survivant et les multiples réformes du droit successoral, se dessine un objectif commun : renforcer la protection de ce dernier, en particulier son maintien dans le logement. Ce bien revêt une importance particulière, tant sur le plan patrimonial qu’affectif, et constitue un élément central de stabilité du conjoint survivant à la suite du décès. Cependant, malgré les avancées législatives, certaines situations peuvent encore fragiliser sa position. Dès lors, il est intéressant de savoir dans quelle mesure peut-on assurer au conjoint survivant le maintien dans son logement après le décès de son époux ? La volonté croissante de protéger le conjoint survivant, en particulier son logement, repose sur une construction juridique complexe, mêlant droits légaux et dispositifs conventionnels, dont l’efficacité dépend de nombreux facteurs. La question du maintien du conjoint survivant dans son logement après le prédécès de son époux ne peut ainsi être envisagée sans explorer, d’une part, les mécanismes que le droit successoral consacre pour garantir cette sécurité (Première partie), et d’autre part, les stratégies extérieures au droit successoral qui peuvent être mises en œuvre pour la renforcer (Seconde partie). Créé par Ninon Chardac 24 sept. 2025 Version 0.1
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