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La liberté d’expression des universitaires Lien permanent vers ce document

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L’exercice de la liberté d’expression par les universitaires est difficile tant ces derniers subissent de pressions venant de toutes parts aussi bien par des personnes privées que par l’Etat. D’abord, concernant les personnes privées que sont les militants et les auteurs de « procédures- bâillons », l’Etat a brillé par son inaction. Il n’a pas su mettre en place des mesures à même de protéger les universitaires. Pour le cas des militants, l’Etat n’a pas mis en œuvre des solutions pour empêcher les militants qui visent à censurer les universitaires. Il n’a tiré aucune leçon des évènements de mai 68 en ce sens qu’il s’agissait déjà d’actions coup de poing ayant pour finalité d’empêcher le bon fonctionnement de l’établissement. Pourtant, l’arsenal pénal permettrait, s’il était mobilisé, de réprimer ces actions. Ce ne sont pas les textes juridiques qui manquent pour garantir l’ordre public et réprimer ces agissements mais le courage de les faire appliquer. Les seules mesures prises restent peu dissuasives et sont essentiellement quelques modifications du Code de l’éducation comme, par exemple, la reconnaissance d’un droit à une entière liberté d’expression des universitaires dans le cadre de leurs fonctions. Toutefois, dépourvues de portée répressive, ces nouvelles dispositions ne permettent pas de protéger les universitaires. Ces actions conduisent le plus souvent à l’annulation de la tenue de l’événement et donc à empêcher l’exercice de la liberté d’expression de l’universitaire. Ces agissements restant souvent impunis, il est fort probable qu’ils se multiplient et que les universitaires soient empêchés d’exprimer certaines opinions. Pour le cas des « procédures-bâillons », l’Etat semblait avoir saisi que certains acteurs, notamment des sociétés commerciales, usent de l’appareil judiciaire non pas pour défendre leurs droits mais pour faire pression sur les universitaires en raison des opinions exprimées. En réponse à cette pratique, l’Etat a créé, en 2017, la « commission Mazeaud ». Elle était chargée de proposer des moyens de protéger les universitaires de ces actions abusives. Néanmoins, les propositions du rapport s’avèrent rarement applicables. De ce rapport, ne naîtra qu’une circulaire qui ne fait que recommander la mise en place de la protection fonctionnelle par les chefs d’établissements pour les universitaires. Nulle autre mesure n’a été entreprise par le législateur depuis 2017. Face à ces « procédures-bâillons », ce sont les juges qui ont le mieux défendu les universitaires en condamnant les auteurs des poursuites à des dommages-intérêts et à des amendes civiles. Toutefois, si cela permet de protéger les universitaires en aval des procédures, les universitaires continuent de subir en amont les désagréments d’une action en justice. Ils subissent toujours des pressions pouvant les dissuader de faire usage de leur liberté d’expression face à la menace d’une action en justice. Ensuite, concernant les entraves d’origine étatique, elles se traduisent surtout par une limitation de l’exercice de la liberté de la recherche et, par ricochet, celle de la liberté d’expression résultant d’entraves dans l’accès aux ressources nécessaires à la recherche. Ces entraves ont lieu sur deux axes : la restriction de l’accès aux archives publiques et un pilotage financier de la recherche, un universitaire ne pouvant exercer sa liberté de recherche et donc d’expression sans financement. Le bilan est plus optimiste pour les libertés des universitaires que pour les entraves privées. Concernant l’accès aux archives, le législateur a entendu permettre un accès aux archives après un certain délai. En parallèle, il permet des dérogations au droit commun notamment pour les chercheurs afin de rendre possible le développement du savoir. La pratique administrative s’inscrit dans cette continuité de permettre aux universitaires d’exercer leur profession puisque la possibilité de dérogation est largement accordée. Néanmoins, l’Etat restreint l’accès à certaines archives classifiées qui concernent le secret, la défense nationale. Les intérêts de la Nation justifient pleinement cette restriction pourvue que l’atteinte soit proportionnée. Or, la dernière loi, adoptée en 2021, va entraîner une restriction dans l’accès à ces archives classifiées qui ne seront accessibles qu’après déclassement par un service de l’Etat. Cela va donc très certainement compliquer le travail de certains chercheurs et limiter la liberté de recherche et d’expression de ceux-ci sur certains sujets, faute d’accès aux sources. Toutefois, cette situation va semble-t-il rester marginale et se cantonner à certaines recherches très spécifiques. Dans l’ensemble, le droit positif permet à l’universitaire de pouvoir accéder aux archives et d’exercer ainsi ses libertés de recherche et d’expression. L’Etat peut aussi porter atteinte à la liberté de recherche et par ricochet d’expression des universitaires par le biais du financement. Malgré l’existence légale d’une autonomie financière des universités, celle-ci reste en pratique formelle. Les universitaires restent très dépendants des deniers étatiques. Cette dépendance offre la possibilité à l’Etat d’orienter la recherche puisque de nombreux de projets sont financés par des organes étatiques comme, par exemple, l’Agence nationale de la recherche qui doit suivre la politique édictée par le Gouvernement en matière de recherche misant sur la performance. Cela permet une certaine cohésion dans la recherche. Le critère de performance, bien que critiquable reste nécessaire, le budget étant limité. C’est la raison pour laquelle, l’Etat doit miser sur des recherches porteuses pour l’avenir, pour le bien commun. Toutefois, cette orientation doit aussi permettre un éventail assez large des thématiques de recherche, notamment les projets originaux pour permettre un véritable développement du savoir. En ce sens, des crédits réservés aux « projets blancs » c’est-à-dire portant sur des thématiques proposées par les chercheurs eux-mêmes. Ces projets « blancs » permettent d’élargir le spectre des thématiques, même si, un nombre assez faible de ces propositions sont finalement retenues et financées. Ce n’est pas tant le pilotage financier de la recherche par l’Etat qui fait craindre des pressions sur les universitaires mais davantage l’insuffisance de moyens qui laisse la porte ouverte à des investisseurs privés notamment, et essentiellement, des entreprises. Celles-ci étant motivées par le gain, elles ne vont financer que des projets rentables et, par conséquent, restreindre les thématiques de recherche. De surcroît, ces sociétés, dont la viabilité dépend de l’image qu’elles renvoient, peuvent être dérangées par les répercussions que les écrits de l’universitaire vont avoir sur elles. Elles risquent d’exercer des pressions sur ceux qu’ils financent afin de préserver leurs intérêts au détriment de la liberté d’expression de l’universitaire. En définitive, les universitaires subissent diverses pressions de tous horizons pour limiter leurs libertés. L’Etat, quand il n’est pas à l’origine de celles-ci, peine à protéger les universitaires. Le bilan semble plus positif quand il est à l’origine de ces entraves à la liberté d’expression en ce sens que celles-ci s’avèrent souvent nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi que ce soit l’intérêt de la Nation, quand il restreint l’accès aux archives, ou le besoin de cohérence, dans le cas du pilotage financier de la recherche. Créé par Corentin Brancourt 3 oct. 2022 Version 0.1
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