Eugène Jamot (1879-1937) : de la Creuse au Cameroun
(Document en Français)
- Thèse consultable sur internet, en texte intégral. Accéder au(x) document(s) : Ce document est protégé en vertu du Code de la Propriété Intellectuelle.
- Auteur
- Jouvie Arthur
- Date de soutenance
- 06-10-2020
- Directeur(s) de thèse
- Bouteille Bernard
- Etablissement de soutenance
- Limoges
- Discipline
- Médecine générale
- Classification
- Médecine et santé
- Mots-clés
- Trypanosomiase africaine - Afrique - Afrique,
- Colonisation - Aspect médical
Au début du XXe siècle, la conquête de l’Afrique par les puissances européennes arrivait à son terme. Les colonies françaises, enfin pacifiées, virent l’administration coloniale organiser leur territoire avec un souci prioritaire de mise en valeur économique et commerciale. Malheureusement, les ambitions métropolitaines se heurtèrent vite aux réalités du milieu tropical et, en premier lieu, à la situation sanitaire. Les dirigeants le savaient : l’Afrique était sous peuplée, et la colonisation n’aurait aucun avenir tant que l’on négligerait la santé des populations autochtones décimées par les maladies. Un grand nombre de pathologies grevait alors le bilan démographique africain : il y avait le paludisme, la tuberculose, la variole, la méningite cérébro-spinale, la fièvre jaune, la syphilis, la malnutrition… Parmi tous ces fléaux, un se distinguait particulièrement : la maladie du sommeil ou trypanosomiase humaine africaine, une pathologie infectieuse causée par un parasite flagellé nommé trypanosome. Il s’agit d’une maladie chronique, à l’époque incurable, transmise par une mouche hématophage spécifique des milieux africains inter tropicaux : la glossine ou mouche tsétsé. Favorisée par les déplacements des porteurs, elle s’était répandue comme une trainée de poudre depuis la fin du XIXe siècle dans tout le continent. Sur son passage, des régions dévastées, vidées de leurs occupants, des cultures délaissées, une jeunesse agonisante. Le nombre de morts dépassait de beaucoup celui des naissances et, bientôt, les générations ne se renouvelèrent plus. Les médecins de marine avaient une connaissance clinique de la maladie du sommeil depuis le dernier quart du XIXe siècle, mais la découverte de l’agent pathogène, du vecteur, et plus encore de son traitement par injection de dérivés de l’arsenic ne se fit qu’entre 1901 et 1905. Bientôt, les médecins coloniaux comprirent qu’il faudrait, pour enrayer l’épidémie, diagnostiquer et traiter les malades jusque dans les régions les plus reculées grâce à des équipes prophylactiques mobiles, équipées de microscopes. C’est alors qu’Eugène Jamot entra en scène. Ce creusois aux racines modestes et paysannes, devenu médecin grâce à l’école de Jules Ferry, s’engagea à 30 ans dans le service de santé des troupes coloniales après avoir débuté comme médecin de famille. Il connut alors la vie d’aventure : la conquête du Tchad, les combats de la Première Guerre Mondiale en Afrique, les soins aux populations, l’étude de la santé publique. En 1916, il fut nommé directeur de l’Institut Pasteur de Brazzaville. Bien conscient des ravages que causait la maladie du sommeil, il se lança à corps perdu dans la lutte anti épidémique avec une poignée d’auxiliaires microscopistes. Il traqua le trypanosome à travers la brousse de l’Oubangui Chari pendant deux ans avec une rigueur, une foi, et une efficacité remarquable. À partir des années 1920, il fut nommé au Cameroun et réussit à convaincre sa hiérarchie qu’aucune politique de développement socio-économique ne serait envisageable avant que l’épidémie de trypanosomiase ne soit contrôlée : c’est ainsi qu’il obtint la création de la mission autonome de prophylaxie de la maladie du sommeil en 1926. Porté par le succès, il devint une personnalité connue du grand public, à tel point qu’on le crut un temps éligible au prix Nobel. Malheureusement, il fut déchu de son poste en 1931 suite à une affaire de scandale sanitaire provoquée par un médecin sous son commandement. Ce dernier avait, de sa propre initiative, multiplié les posologies trypanocides jusqu’à provoquer l’apparition de 695 cas de cécités définitives. Bien que l’enquête l’ait innocenté, Jamot fut démis de son commandement ; il reçu un blâme et fut muté en AOF (Afrique Occidentale Française) en tant que simple consultant. Là-bas, il livra sa dernière bataille en prouvant que la trypanosomiase était au moins aussi répandue qu’en Afrique Équatoriale. En 1935, dégoûté par l’aveuglement de ses supérieurs et les tentatives répétées pour entraver son action, il fit valoir ses droits à la retraite. Il était de retour en Creuse, malade, prématurément usé. Il reprit son activité de médecin de famille jusqu’à ce que la mort vienne le cueillir en pleine visite, en avril 1937, à seulement 58 ans. Aujourd’hui, l’œuvre d’Eugène Jamot, et plus particulièrement de l’action sanitaire française dans les colonies est à peu près complètement ignorée du grand public. Pourtant, à l’heure où la mémoire des uns entre conflit avec celle des autres, et alors que la population se questionne à nouveau sur les problématiques santé publique, l’écho du destin d’Eugène Jamot, à la fois colonial, humaniste et scientifique, raisonne d’une manière toute particulière.
- Type de contenu
- Text
- Format
- Entrepôt d'origine
- Identifiant
- unilim-ori-112647
- Numéro national
- 2020LIMO3158
Pour citer cette thèse
Jouvie Arthur, Eugène Jamot (1879-1937) : de la Creuse au Cameroun, thèse d'exercice, Limoges, Université de Limoges, 2020. Disponible sur https://aurore.unilim.fr/ori-oai-search/notice/view/unilim-ori-112647